Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pitié, se demandaient : « Si l’on pouvait, d’un monde à l’autre, les racheter, ces pauvres âmes ? leur appliquer l’expiation par amende et composition que l’on pratique sur la terre ? » — Ce pont entre les deux mondes fut Cluny, qui, dès sa naissance (vers 900), devint tout à coup l’un des ordres les plus riches.

Tant que Dieu punissait lui-même, appesantissait sa main ou frappait par l’épée de l’ange (selon la noble forme antique), il y avait moins d’horreur ; cette main était sévère, celle d’un juge, d’un père pourtant. L’ange en frappant restait pur et net comme son épée. Il n’en est nullement ainsi, quand l’exécution se fait par des démons immondes. Ils n’imitent point du tout l’ange qui brûla Sodome, mais qui d’abord en sortit. Ils y restent, et leur enfer est une horrible Sodome où ces esprits, plus souillés que les pécheurs qu’on leur livre, tirent des tortures qu’ils infligent d’odieuses jouissances. C’est l’enseignement qu’on trouvait dans les naïves sculptures étalées aux portes des églises. On y apprenait l’horrible leçon des voluptés de la douleur. Sous prétexte de supplice, les diables assouvissent sur leurs victimes les caprices les plus révoltants. Conception immorale et profondément coupable ! d’une prétendue justice qui favorise le pire, empire sa perversité en lui donnant un jouet, et corrompt le démon même !


Temps cruels ! Sentez-vous combien le ciel fut noir et bas, lourd sur la tête de l’homme ? Les pauvres petits enfants, dès leur premier âge, imbus de ces