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Quel dommage qu’elle ne puisse le saisir et le regarder ! Une fois, à l’improviste, ayant touché les tisons, elle l’a cru voir qui se roulait, l’espiègle, dans les étincelles. Une autre fois, elle a failli le prendre dans une rose. Tout petit qu’il est, il travaille, balaye, approprie, il lui épargne mille soins.

Il a ses défauts cependant. Il est léger, audacieux, et, si on ne le tenait, il s’émanciperait peut-être. Il observe, écoute trop. Il redit parfois au matin tel petit mot qu’elle a dit tout bas, tout bas, au coucher, quand la lumière était éteinte. — Elle le sait fort indiscret, trop curieux. Elle est gênée de se sentir suivie partout, s’en plaint et y a plaisir. Parfois elle le renvoie, le menace, enfin se croit seule et se rassure tout à fait. Mais au moment elle se sent caressée d’un souffle léger ou comme d’une aile d’oiseau. Il était sous une feuille… Il rit… Sa gentille voix, sans moquerie, dit le plaisir qu’il a eu à surprendre sa pudique maîtresse. La voilà bien en colère. — Mais le drôle : « Non, chérie, mignonne, vous n’en êtes pas fâchée. »

Elle a honte, n’ose plus rien dire. Mais elle entrevoit alors qu’elle l’aime trop. Elle en a scrupule, et l’aime encore davantage. La nuit, elle a cru le sentir au lit qui s’était glissé. Elle a eu peur, a prié Dieu, s’est serrée à son mari. Que fera-t-elle ? elle n’a pas la force de le dire à l’Église. Elle le dit au mari, qui d’abord en rit et doute. Elle avoue alors un peu plus, — que ce follet est espiègle, parfois trop audacieux…

    Français, follet, goblin, lutin ; chez les Anglais, puck, robin hood, robin good fellow. Shakespeare explique qu’il rend aux servantes dormeuses le service de les pincer jusqu’au bleu pour les éveiller.