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La nuit, elle se hasarde, et timidement va porter un humble petit fanal au grand chêne où ils habitent, à la mystérieuse fontaine dont le miroir, doublant la flamme, égayera les tristes proscrits.

Grand Dieu ! si on le savait ! Son mari est homme prudent, et il a bien peur de l’Église. Certainement il la battrait. Le prêtre leur fait rude guerre, et les chasse de partout. On pourrait bien cependant leur laisser habiter les chênes. Quel mal font-ils dans la forêt ? Mais non, de concile en concile, on les poursuit. À certains jours, le prêtre va au chêne même, et, par la prière, l’eau bénite, donne la chasse aux esprits !

Que serait-ce s’ils ne trouvaient nulle âme compatissante ? Mais celle-ci les protège. Toute bonne chrétienne qu’elle est, elle a pour eux un coin du cœur. À eux seuls elle peut confier telles petites choses de nature, innocentes chez la chaste épouse, mais dont l’Église pourtant lui ferait reproche. Ils sont confidents, confesseurs de ces touchants secrets de femmes. Elle pense à eux quand elle met au feu la bûche sacrée. C’est Noël, mais en même temps l’ancienne fête des esprits du Nord, la fête de la plus longue nuit. De même, la vigile de la nuit de mai, le pervigilium de Maïa, où l’arbre se plante. De même, au feu de la Saint-Jean, la vraie fête de la vie, des fleurs et des réveils d’amour. Celle qui n’a pas d’enfants, surtout, se fait devoir d’aimer ces fêtes et d’y avoir dévotion. Un vœu à la Vierge peut-être ne serait pas efficace. Ce n’est pas l’affaire de Mario. Tout bas, elle s’adresse plutôt à un vieux génie, adoré comme dieu rustique, et dont telle église locale a la bonté de