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Hélas ! pauvre recluse… Mais, j’ai honte, et je sors. Repose. — Demeure, belle jeune fille, voici Cérès, Bacchus, et, avec toi, l’Amour ! N’aie pas peur, ne sois pas si pâle ! — Ah ! loin de moi, jeune homme ! Je n’appartiens plus à la joie. Par un vœu de ma mère malade, la jeunesse et la vie sont liées pour toujours. Les dieux ont fui. Et les seuls sacrifices sont des victimes humaines. — Eh quoi ! ce serait toi ? toi, ma chère fiancée, qui me fus donnée dès l’enfance ? Le serment de nos pères nous lia pour toujours sous la bénédiction du ciel. Ô vierge ! sois à moi ! — Non, ami, non, pas moi. Tu auras ma jeune sœur. Si je gémis dans ma froide prison, toi, dans ses bras, pense à moi, à moi qui me consume et ne pense qu’à toi, et que la terre va recouvrir. — Non, j’en atteste cette flamme ; c’est le flambeau d’hymen. Tu viendras avec moi chez mon père. Reste, ma bien-aimée. » — Pour don de noces, il offre une coupe d’or. Elle lui donne sa chaîne, mais préfère à la coupe une boucle de ses cheveux.

« C’est l’heure des esprits ; elle boit, de sa lèvre pâle, le sombre vin couleur de sang. Il boit avidement après elle. Il invoque l’Amour. Elle, son pauvre cœur s’en mourait, et elle résistait pourtant. Mais il se désespère, et tombe en pleurant sur le lit. — Alors, se jetant près de lui : « Ah ! que la douleur me fait mal ! Mais, si tu me touchais, quel effroi ! Blanche comme la neige, froide comme la glace, hélas ! telle est ta fiancée. — Je te réchaufferai ; viens à moi ! quand tu sor-