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douteurs aujourd’hui, beaucoup ne respectaient plus rien.

Deux partis divisaient l’armée. L’un voulait qu’on profitât sérieusement de ce dernier coup, que, d’une marche rapide, on s’enfonçât en Bretagne, ou que, par la Normandie, on marchât au centre. Mais cela ne se pouvait qu’en abandonnant les faibles, cette masse de femmes et d’enfants. Le parti vraiment vendéen était pour les femmes, voulait marcher à leur pas, les garder, repasser la Loire, du moins s’en écarter peu.

Ce ne fut qu’après avoir échoué à Granville, échoué à Angers, à Ancenis, au passage de la Loire, que cette armée prit des ailes, parce que, dans l’absolue démoralisation où elle tomba, chacun ne pensant plus qu’à soi, on laissa les femmes et les enfants sur tous les chemins. On en trouvait à gauche, à droite, de trois ou quatre ans, jetés dans les prés.

Par deux fois l’armée vendéenne toucha la Bretagne, sans pouvoir s’y recruter. Pourquoi ? Il y en a deux raisons. Les Bretons n’ignoraient nullement la disposition antipathique et méprisante qu’ont les Vendéens pour eux. Ceux-ci, Français, ignorants et légers, ne comprennent rien à cette énigme de l’ancien monde et sont fort loin de deviner combien ces sauvages, inertes et sales, leur sont poétiquement supérieurs. Ajoutez le caractère, tout spécial en Bretagne, de la famille et du clergé. Le prêtre breton, qui est un paysan breton, homme de la localité, enraciné là par sa langue qu’on ne parle nulle part ailleurs, ne