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de plus en plus, risquait de faire fuir tout le monde, de chasser ses fossoyeurs. La Commune, avertie le 8 thermidor, pensa qu’on pourrait bien attendre encore un jour ou deux, prescrivant seulement « de brûler sur les fosses du thym , de la sauge et du genièvre pendant les inhumations ».

Un architecte, sans nul doute inspiré de ces souvenirs, imagina un monument pour la combustion des morts qui aurait tout simplifié. Son plan était vraiment propre à saisir l’imagination. Représentez-vous un vaste portique circulaire, à jour. D’un pilastre à l’autre, autant d’arcades, et sous chacune est une urne qui contient les cendres. Au centre, une grande pyramide qui fume au sommet et aux quatre coins. Immense appareil chimique, qui, sans dégoût, sans horreur, abrégeant le procédé de la nature, eût pris une nation entière au besoin, et de l’état maladif, orageux, souillé, qu’on appelle la vie, l’eût transmise, par la flamme pure, à l’état paisible du repos définitif.

Il eut cette idée après la Terreur et la proposa en l’an vu, par un pressentiment, sans doute, de l’accroissement immense qu’allait recevoir l’empire de la Mort. Qu’était-ce que les douze cents guillotinés de ces deux mois (de prairial en thermidor), en présence des destructions prodigieuses par lesquelles commence le dix-neuvième siècle[1] ?

Revenons. Cette attitude du faubourg, ces récla-

  1. Ce qu’on a guillotiné d’hommes à Paris pendant toute la Révolution fait la quarantième partie des morts d’une bataille, de la Moskowa.