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d’émeute, de conspiration. Où puiser des vraisemblances pour la dénonciation ? L’époque approchant, Boyenval, qui devait la soutenir de son témoignage, quoique buvant, s’étourdissant, commençait à prendre peur. Pour remonter son courage, on imagina de lui amener deux hommes graves, qui le virent à la buvette et burent avec lui. Ce n’était pas moins, disait-on, que Robespierre et Carnot : « Capitaine Boyenval, lui dirent-ils, vous serez bientôt général. »

La liste des cent cinquante-quatre détenus que Fouquier-Tinville devait se faire amener du Luxembourg, porte en tête seulement : « Le Comité de salut public arrête que les nommés… seront traduits au tribunal révolutionnaire. » Pas un des membres n’a signé[1], pas même Couthon, surveillant du bureau d’Herman, qui dressait la liste. Elle venait hardiment, comme la loi de Prairial, au nom du Comité de salut public, sans avoir besoin d’une seule signature pour se faire croire.

Fouquier, recevant cette liste énorme, sous même chef et même titre, fît (sans doute de l’aveu de ses maîtres, du Comité de sûreté), fit venir des charpentiers et leur commanda de bâtir dans la salle du tribunal un échafaudage immense pour recevoir en une fois cette légion d’accusés. L’effroyable construction dut se faire en une nuit. Elle partait des tables mêmes, montait au plafond, et,

  1. Archives, section judiciaire, dossier de Fouquier-Tinville.