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fut un coup de pitié. Nulle ne laissa tant de regret, tant de fureur, ne fut plus âprement vengée.

L’impression allait croissant. La plus simple politique eût dû supprimer l’échafaud pour les femmes. Cela tuait la République.

Mais ici, justement, dans l’affaire des Saint-Amaranthe, on avait compté donner au public une cruelle émotion, dire en réponse à celui qui déplorait l’indulgence des juges de Lyon, l’indulgence du Comité de sûreté : « Il veut du sang, en voilà… Et le sang des royalistes qu’il a protégés. »

On m’a conté le fait suivant. D’après l’âge indiqué, il s’applique à la Nicole ; d’après l’effet général que produisit sa mort (sur la police elle-même !), je ne fais aucun doute qu’il ne se rapporte à elle.

Un homme, très dur et très fort, d’une constitution athlétique, de ces gens qui n’ont point de nerfs, qui n’ont que des muscles, gagea de supporter de près la vue de l’exécution. Était-il avec les bourreaux ou autrement, je ne sais. Il endura tout, sans broncher, vit répandre, de tête en tète, l’horrible fleuve de sang. Mais, quand cette petite fille vint, s’arrangea, se mit à la planche, dit d’une voix douce au bourreau : « Monsieur, suis-je bien comme ça ? » tout lui tourna, il ne vit plus rien, sa force de taureau manqua, il tomba à la renverse ; un moment on le crut mort ; il fallut le rapporter chez lui.