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répondirent sèchement qu’à tout prix il fallait garantir la vie des représentants, des membres des comités, qu’ils ne prenaient pas légèrement un attentat contre Robespierre.

Voulland, pétillant de bonheur, de vengeance et de joie, alla voir l’effet de la scène, si le peuple murmurait, si la calomnie prenait. Il se posta au point le plus serré de la foule, au coin des rues Richelieu et Saint-Honoré, et quand il vit venir de loin les cinquante chemises rouges, branlantes sur les charrettes, par-dessus les têtes innombrables des curieux, il dit aux siens : « Allons devant ; nous verrons au grand autel célébrer la messe rouge. »

L’effet désiré fut produit. Un déchirement de pitié, contenu d’autant plus cruel, mille morts vouées à Robespierre, des cœurs étouffants de malédiction, ce cri avalé par la peur, mais rentrant dans les entrailles pour les déchirer : « Ah ! maudit cet homme ! et ce jour ! »

Ces morts de femmes étaient terribles[1].

  1. Qu’on sache bien qu’une société qui ne s’occupe point de l’éducation des femmes et qui n’en est pas maîtresse est une société perdue. La médecine préventive est ici d’autant plus nécessaire que la curative est réellement impossible. Il n’y a, contre les femmes, aucun moyen sérieux de répression. La simple prison est déjà chose difficile : Quis custodiet ipsos custodes ? Elles corrompent tout, brisent tout ; point de clôture assez forte. Mais les montrer à l’échafaud, grand Dieu ! Un gouvernement qui fait cette sottise se guillotine lui-même. La nature, qui, par-dessus toutes les lois, place l’amour et la perpétuité de l’espèce, a par cela même mis dans les femmes ce mystère (absurde au premier coup d’œil) : elles sont très responsables, et elles ne sont pas punissables. Dans toute la Révolution, je les vois violentes, intrigantes, bien souvent plus coupables que les hommes. Mais, dès qu’on les frappe, on se frappe. Qui les punit se punit. Quelque chose qu’elles aient faite, sous quelque aspect qu’elles paraissent, elles renversent