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qui avait envoyé dix-sept cents personnes à la mort ?

Marino, peintre, artiste insouciant, loustic de profession, amusait beaucoup le peuple. Chose curieuse, il était assez aimé aux prisons. C’était lui qui, de bonne heure, en 1793, y avait organisé une sorte de mutualité, de sorte qu’un prisonnier riche, placé dans une chambrée, améliorait le sort commun et traitait ses camarades. On regrettait fort en prairial ces bonnes prisons de Marino-, la bonne chère, la fraternité que donnait cet arrangement. L’administration robespierriste avait craint que les riches ne prissent ascendant. Elle établit la stricte égalité, les tables communes, et tout aux frais de l’État. La nourriture fut détestable par la faute des entrepreneurs (non par celle de l’État qui payait beaucoup), les prisonniers étaient au désespoir, et l’amphytrion des prisons, Marino, sans doute d’autant plus regretté.

L’immoler à Robespierre, le faire mourir sous l’habit rouge des ennemis de Robespierre, c’était d’une cruelle astuce contre celui-ci.

Les robespierristes, certainement, n’avaient pas prévu ceci, mais ils le sentirent très bien. Dans le Journal de la Montagne, qui se faisait aux Jacobins, ils effacèrent de la liste les quatre noms des municipaux de Paris, restes de l’ancienne Commune qui avait laissé un tel souvenir.