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on apprit que les exécutions seraient seulement éloignées des quartiers du centre, qu’elles se feraient désormais au faubourg Saint-Antoine. On sentit parfaitement que ce n’était pas sans cause qu’on les écartait des regards. Tout changement de ce genre était une aggravation. Depuis que la guillotine cachait ses morts à Monceaux, elle consommait davantage. Elle devint bien plus avide encore du jour qu’elle fonctionnait à son aise dans ces quartiers reculés.

Quels que fussent les sentiments personnels de Robespierre, ses essais timides de modération, ses vues d’avenir, une terrible fatalité le poussait à la vraie dictature du temps, la dictature judiciaire.

Rappelons-nous le progrès de sa fortune. Évitant l’autorité et le maniement des intérêts, n’engageant sa responsabilité dans aucune affaire précise, il avait grandi surtout par l’accusation. Il avait représenté un côté très légitime de la Révolution, mais resserré, négatif, celui de la défiance. Jusqu’au 25 septembre 1793, il fut, pour dire son vrai nom, le grand accusateur de la République.

Depuis, maître de l’Assemblée et des Jacobins, du Comité de sûreté, du tribunal révolutionnaire, — c’est-à-dire pouvant accuser, arrêter, juger, — il eut, sans autre appareil, dans sa simplicité privée, la position redoutable de grand juge.

Mais lui-même il sentait qu’il avait autre chose en lui. Ce rôle si éminent, cette royauté négative ne contentait pas son cœur. Peu pitoyable, il n’était