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réquisition (à faire rester à Paris) ceux qu’il croit utiles.))

Toute la nuit, on disputa, on tailla, rogna. Saint-Just perdit patience, laissa tout et dit en partant : « Vous ménagez l’ennemi, à la bonne heure ! Eh bien, la contre-révolution vous emportera. »

Le lendemain, sans doute en son absence, sur ce décret tout changé, chacun broda un article. Le seul qui semble garder l’empreinte de Saint-Just est celui-ci : « On codifiera les lois ; on rédigera un corps d’institutions qui gardent les mœurs et la liberté. »

Les auteurs des autres articles sont faciles à deviner. (Robespierre :) Les conspirateurs ne seront désormais jugés qu’à Paris. (Billaud :) Les oisifs qui se plaignent, déportés à la Guyane. (Lindet :) On encouragera par des récompenses et des indemnités l’industrie, le commerce, les mines, on protégera les transports, la circulation des rouliers, etc. On voit par ce dernier article tout le chemin qu’avait fait le décret, pas moins que l’histoire tout entière, toute la distance historique entre Dracon et Colbert. Saint-Just détestait le commerce et le proscrivait spécialement, disant qu’il n’y a de bon peuple qu’un peuple agricole, que les mains de l’homme ne sont faites que pour la terre et les armes.

Ainsi ce décret fut un monstre, un accouplement bizarre des plus hostiles esprits. Une confusion si étrange, qu’on eût pu attribuer à la précipitation dans un moment moins paisible, avait toute la