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il la jugeait incapable de se gouverner elle-même, plus il embrassait l’idée d’un dictateur moral. Un seul homme était capable de ce rôle, et cet homme était Robespierre.

Maintenant on va supposer qu’il y eut unité entre eux. Rien n’est moins exact.

Quoique Saint-Just appartînt à Robespierre et par le cœur et par l’idée, la force des choses tendait à l’en éloigner malgré lui.

Déjà, dans l’affaire de Danton, leur conduite avait été absolument contraire.

Saint-Just tua Danton, parce que seul il n’eut pas la moindre hésitation ni le moindre doute. Il crut d’après Robespierre ; mais, bien plus que lui, il eut la foi atroce de cet acte sauvage. Au moment où la Loi mourante vint encore réclamer aux comités, qui fut à son poste ? qui fit taire la Loi ? qui fut à cette heure la Loi et la dictature ?

Robespierre, au contraire, en s’engageant dans cette route, ne négligea rien pour faire voir qu’il y avait été poussé. Il proclama et répéta qu’un autre avait eu la première idée, dit le premier mot ; qu’à ce mot on avait essayé d’opposer le souvenir de l’ancienne relation, et qu’il avait résisté pour le salut public. Chacun fut tenté de croire qu’en ce cruel sacrifice d’un compagnon de tant d’années, Robespierre s’était sacrifié lui-même, avait immolé son propre cœur.

Donc c’était Saint-Just qui avait pris la responsabilité capitale de l’acte : il en savait la gravité. Plus d’une fois, dans ses notes pleines de pensées funè