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reparaissait victorieuse, sous mille formes inattendues. La guerre, la terreur, la mort, tout ce qui semblait contre elle, lui donnaient de nouveaux triomphes. Les femmes ne furent jamais si fortes. Elles se multipliaient, remuaient tout. L’atrocité de la loi rendait quasi légitimes les faiblesses de la grâce. Elles disaient hardiment, en consolant le prisonnier : « Si je ne suis bonne aujourd’hui, il sera trop tard demain. » Le matin, on rencontrait de jolis jeunes imberbes, menant le cabriolet à bride abattue ; c’étaient des femmes humaines qui sollicitaient, couraient les puissants du jour. De là, aux prisons. La charité les menait loin. Consolatrices du dehors ou prisonnières du dedans, aucune ne disputait. Être enceinte, pour ces dernières, c’était une chance de vivre.

Un mot était répété sans cesse, employé à tout : « La Nature ! suivre la nature ! Livrez-vous à la nature », etc. Le mot vie succéda en 1795 : « Coulons la vie !… Manquer sa vie », etc.

On frémissait de la manquer, on la saisissait au passage, on en économisait les miettes. On en volait au destin tout ce qu’on pouvait dérober. De respect humain, aucun souvenir. La captivité était, en ce sens, un complet affranchissement. Des hommes graves, des femmes sérieuses, se livraient aux folles parades, aux dérisions de la mort. Leur récréation favorite était la répétition préalable du drame suprême, l’essai de la dernière toilette et les grâces de la guillotine. Ces lugubres parodies