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ligne achevée, enfonça son bonnet de laine et, dans sa veste d’ouvrier, franchit au matin le seuil de la bonne Mme Vernet. Elle avait deviné son projet et le surveillait ; il n’échappa que par ruse. Dans une poche il avait son ami fidèle, son libérateur ; dans l’autre, le poète romain qui a écrit les hymnes funèbres de la liberté mourante[1].

Il erra tout le jour dans la campagne. Le soir, il entra dans le charmant village de Fontenay-aux-Roses, fort peuplé de gens de lettres, beau lieu où lui-même, secrétaire de l’Académie des Sciences, associé pour ainsi dire à la royauté de Voltaire, il avait eu tant d’amis, et presque des courtisans. Tous en fuite ou écartés. Restait la maison du Petit Ménage ; on nommait ainsi M. et Mme Suard. Véritable miniature de taille et d’esprit, Suard, joli petit homme, Madame, vive et gentille, étaient tous deux gens de lettres, sans faire de livres pourtant, seulement de courts articles, quelques travaux pour les ministres, des nouvelles sentimentales (en cela

  1. Altera jam teritur bellis civilibus aetas ;

    Suis et ipsa Roma viribus mit…

    Barbarus, heu ! eineres insistet victor, et Urbem

    Eques semante verberabit ungula…

    Justum et tenacem propositi virum

    Non civium ardor, prava jubentium…

    Mente quatit solida, neque Auster.

    Si fractus illabatur orbis,

    lmpavidum ferient ruinœ.

    Et cuncta terrai’um subacta

    Praeter atrocem animiun Catonis.