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que l’auteur s’est imposée. Bien des choses sont élevées, beaucoup sèchement indiquées[1]. Le temps pressait.

Comment savoir s’il y avait un lendemain ? Le solitaire, sous son toit glacé, ne voyant de sa lucarne que le sommet dépouillé des arbres du Luxembourg, dans l’hiver de 1793, précipitait l’âpre travail, les jours sur les jours, les nuits sur les nuits, heureux de dire à chaque feuille, à chaque siècle de son histoire : « Encore un âge du monde soustrait à la mort. »

Il avait, à la fin de mars, revécu, sauvé, consacré tous les siècles et tous les âges ; la vitalité des sciences, leur puissance d’éternité semblait dans son livre et dans lui. Qu’est-ce que l’histoire et la science ? La lutte contre la mort. La véhémente aspiration d’une grande âme immortelle pour communiquer l’immortalité emporta alors le sage jusqu’à élever son vœu à cette forme prophétique : « La science aura vaincu la mort. Et alors on ne mourra plus. »

Défi sublime au règne de la mort, dont il était environné. Noble et touchante vengeance !… Ayant réfugié son âme dans le bonheur à venir du genre humain, dans ses espérances infinies, sauvé par le salut futur, Condorcet, le 6 avril, la dernière

  1. Celle sécheresse n’est qu’extérieure. On le sent bien en lisant, dans ses dernières paroles à sa fille, la longue et tendre recommandation qu’il lui fait d’aimer et ménager les animaux, la tristesse qu’il exprime sur la dure lui qui les oblige à se servir mutuellement de nourriture.