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la cachette de Paris ou la caverne du Jura, ils tombent dans les bras l’un de l’autre, défaillants, anéantis, qui n’a dit cent fois : mort, si tu as cette puissance de centupler, transfigurer à ce point les joies de la vie, tu tiens vraiment les clés du ciel ! »

L’amour a sauvé Louvet. Il avait perdu Desmoulins en le confirmant dans son héroïsme. Il n’a pas été étranger à la mort de Condorcet.

Le 6 avril, Louvet entrait dans Paris pour revoir Lodoïska ; Condorcet en sortait pour diminuer les dangers de sa Sophie.

C’est du moins la seule explication qu’on puisse trouver à cette fuite de proscrit qui lui fît quitter son asile.

Dire, comme on l’a fait, que Condorcet sortit de Paris uniquement pour voir la campagne et séduit par le printemps, c’est une étrange explication, invraisemblable et peu sérieuse.

Pour comprendre, il faut voir la situation de cette famille.

Mme de Condorcet, belle, jeune et vertueuse, épouse de l’illustre proscrit, qui eût pu être son père, s’était trouvée, au moment de la proscription et du séquestre des biens, dans un complet dénuement. Ni l’un ni l’autre n’avait les moyens de fuir. Cabanis, leur ami, s’adressa à deux élèves en médecine, célèbres depuis, Pinel et Boyer. Condorcet fut mis par eux dans un lieu quasi public, chez une dame Vernet, près du Luxembourg, qui prenait