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d’apôtre, et la fleur de tous les partis, elle avait eu toute chose.

Ces idées tombaient dans les cœurs, au moment charmant de l’année où la vie réveillée tout à coup donne espoir et sécurité aux plus inquiets. Comment mourir au temps béni où la création recommence ? La nature, en son langage, en ses fleurs ressuscitées, en son soleil brillant, vainqueur, semble dire que la mort n’est plus.

Violentes furent ces pensées et ce bouillonnement d’espérance chez tant de proscrits, tant de fugitifs, qui, dans les caves ou les greniers, dans les bois et dans les cavernes, s’étaient arrangé des sépulcres pour essayer de vivre encore. Elles durent arriver aux grottes profondes de Saint-Émilion, retraite de la Gironde. Mais plus vives furent-elles peut-être pour les infortunés cachés dans les noirs murs de Paris, tel (comme Isnard) dans une étroite soupente du faubourg Saint-Antoine, tel (comme Jullien) dans un dessous d’escalier, tel Louvet, dans cette armoire que sa tendre et courageuse Lodoïska lui fabriqua de ses mains.

« L’amour est fort comme la mort. » Et ce sont ces temps de mort qui sont ses triomphes peut-être. Car la mort verse à l’amour je ne sais quoi d’acre et de brûlant, d’amères et divines saveurs qui ne sont point d’ici-bas.

En lisant l’audacieux voyage de Louvet à travers toute la France pour retrouver ce qu’il aimait, en assistant à ces moments où, réunis par le sort dans