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venait derrière, le retour à l’Ancien-Régime, qu’on venait déjà de flatter si cruellement par la mort des pères de la République !

Quoi ! le lendemain d’un tel jour ! et la tombe ouverte encore ! parler de fête et de Dieu !… Où la fera-t-on cette fête ? Sur la place où échafaud l’ fume ?… ou bien dans le parc maudit où la chaux dévore tout ce qu’adora la France, ces bons cœurs, ces nobles cœurs, amis de l’humanité !

Et ce ne fut pas la Montagne seule qui sentit cela. Même à la droite et au centre, les croyants pour qui on parlait n’accueillirent point du tout ces avances à contretemps. L’effet de cette parole fut sur eux celui d’une corde fausse qui déchire l’oreille. Ordonner la joie dans le deuil, une fête dans cette boucherie, parmi le printemps et les fleurs, faire chanter ceux qui pleuraient, qui mourraient demain peut-être, oser, entre deux guillotines, entonner des hymnes, était-ce là honorer… ou souffleter Dieu ?

Tous taxèrent également Robespierre d’une impudente hypocrisie.

Ils se trompaient. Son appel à Dieu, tout étrange que fût le moment, était spontané, sincère. Quelque aigrie et faussée que fût sa nature, si dévastée que fût son cœur, fils de Rousseau, il en gardait toujours une certaine idéalité religieuse. Et il y avait recours dans l’effroi qu’il éprouvait de son grand isolement.

Il avait eu l’épouvantable succès de raser tout à la fois. Deux hommes restaient, sur le monde détruit,