Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mier mot de témoins qu’il prononça, lui fermèrent la bouche ; ils le chassèrent avec menaces. Fouquier et Herman, placés dans cette passe dangereuse de demander expressément la violation de la loi, crurent se couvrir en glissant dans la lettre ce mot : « Tracez-nous notre conduite, l’ordre judiciaire ne nous fournissant aucun moyen de motiver ce refus. »

Les jurés les plus solides avaient été chez Robespierre et n’en avaient rien tiré.

Il arriva ce qu’il arrive toutes les fois que les rois ont besoin d’un crime. Il se fait même sans eux. Il y a toujours quelque part l’homme dévoué, l’homme fatal, pour les dispenser de prendre l’initiative.

Depuis vingt-quatre heures, les zélés avaient compassion de l’embarras du gouvernement et dressaient une machine. Les administrateurs de police, récemment renouvelés, entre autres le cordonnier Willcheritz, qui aida fort à organiser les grandes fournées de messidor, couraient les prisons, s’agitaient, s’informaient et chuchotaient. Grand effroi chez les prisonniers. « Voudrait-on un 2 septembre pour étouffer le procès ? » Ces bruits circulaient aussi au dehors. Danton avait vaincu le 3, c’était l’opinion générale ; on ne pouvait l’assassiner que dans un grand pêle-mêle, un massacre confus des prisonniers. Chaumette avait des nouvelles du dehors deux fois par jour ; il les donna à ses compagnons du Luxembourg, qui en furent glacés d’horreur. Mais la prison brise l’homme ; aucun n’avait d’armes et presque aucun de courage.