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la joie sauvage, quasi frénétique de plusieurs des spectateurs, on était tenté de croire qu’au total c’étaient généralement les riches, les aristocrates. Le républicain véritable ne défendait pas Hébert, qui avait sali, compromis la République. Cependant, quand elle frappait le principal journaliste, disons mieux le journal même (le reste au fond n’existait plus), ne rendait-elle pas insoluble la question posée par Tallien : « Sera-t-il aisé maintenant de distinguer les patriotes ? »

Ce 24 mars fut comme une échappée et du public et de la nature. Le grand public indifférent, peu changé par la Révolution, royaliste au moins d’habitudes, peureux jusqu’alors et craignant d’avouer le modérantisme, vint s’épanouir au soleil. La Révolution, ce jour-là, avait l’air de régaler, de fêter ses ennemis avec la mort de ses amis. Je dis amis. Hébert n’était pas tout dans cette boucherie de vingt personnes. Qu’avait fait le pauvre Clootz ? Le royaliste avait goûté au sang patriote, et déjà il en était ivre. Il était là attablé à cet horrible banquet où la France le soûlait des morceaux vivants de son cœur.

« Qu’auraient fait les Vendéens, sinon de faire périr ceux qui avaient invariablement prêché l’extermination de la Vendée ?

« Qu’auraient fait les prêtres, maîtres de Paris, sinon de faire disparaître le grand hérétique, l’impie, l’athée, le fondateur du culte de la Raison ?

« À qui a-t-on rendu service en tuant Hébert et