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J’ai peine à croire cependant que Robespierre eut déjà consenti cette atroce simplification. Il était trop évident que Danton, ami des plaisirs (et désormais du repos), n’avait aucune ambition, ni orgueil, ni vanité même, aucune velléité de concurrence. C’était chose monstrueuse et d’une rage délirante de songer à tuer un homme qui, dans deux circonstances récentes, non seulement contre Chaumette, mais contre les dantonistes Merlin et Bourdon s’était fait le second de Robespierre. Ce qu’il voulait visiblement, c’était de vivre à tout prix. Il habitait presque toujours à deux lieues de Paris, à Sèvres. Dès qu’il pouvait (et au printemps encore dans cette terrible crise), il courait chez lui, à Arcis, où étaient sa mère et ses deux petits enfants. Les gens d’Arcis racontaient qu’à ses voyages, ils le voyaient des heures et des heures immobile à sa fenêtre, rêvant en bonnet de nuit. Les champs, la nature, l’amour, c’étaient tous ses entretiens. Sa jeune femme de seize ans était grosse. L’âme de Danton était là, absente partout ailleurs.

Quels étaient donc les crimes de Danton, aux yeux des robespierristes ? Nul doute qu’il ne les eût choqués, lorsque, bien avant Desmoulins, il avait lancé hardiment cette parole : « Qu’un jour la République, hors de péril, pourrait être un Henri IV, faire grâce à ses ennemis. » N’était-ce pas de ce mot qu’étaient nés le Vieux Cordelier, le Comité de la clémence, les propositions imprudentes qui menaçaient de briser le nerf de la Révolution ? L’As-