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on le sait, ce célèbre philanthrope. Carrier devint aimable et doux.

Jullien partit le soir même, mais le coup était porté. La municipalité enhardie déclara que Champenois avait toute sa confiance.

De la première ville où il s’arrêta, d’Angers, Jullien écrivit à Robespierre une lettre habile, ostensible, contre la royauté de Carrier : « J’ai vu l’Ancien-Régime rétabli dans Nantes », etc. L’effet en fut excellent. Le jour où la lettre arriva, Carrier fut rappelé à la Convention (6 février).

Carrier, revenu à Paris, apportait à Robespierre une arme inappréciable pour faire la guerre aux hébertistes, quand le moment serait venu.

Carrier était une légende.

Une grande et féconde légende que l’imagination populaire allait chaque jour enrichir d’éléments nouveaux, rapportant à un même homme tout ce qui s’était fait d’atroce dans ce moment d’extermination. Tout ce qu’on fît devant Troie d’exploits héroïques, c’est Achille qui l’a fait ; et tout ce qu’on fît dans Nantes de choses effroyables, la tradition ne manque pas d’en faire honneur à Carrier.

La légende est capricieuse. À Lyon, c’est Collot d’Herbois qui en a été l’objet, quoique, sous lui, il ait péri dix fois moins d’hommes que sous son successeur Fouché. La mitraillade des soixante a marqué son nom pour toujours.

Mais la Loire eut bien plus d’effet. Cette grande rivière, d’aspect placide, qui, après avoir fécondé