Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

besoin de bonnes lisières ou d’une place à Charenton. »

On ferait un livre des inconséquences de Carrier.

D’après l’esprit de Chaumette, de la Commune de Paris, il persécutait les filles publiques. Déjà, dans sa mission de Rennes, il parlait de les faire périr. Elles furent protégées par le maire de cette ville, l’héroïque tailleur Leperdit, homme de bien, homme de Dieu, qui lui dit en face : « Je ne le souffrirai pas ; ce sont mes administrées ». À Nantes, où la guerre entassait de tous les pays voisins la population féminine, ces pauvres créatures étaient en nombre énorme. Les filles et les chiens remplissaient les rues. Ces derniers, errants, affamés, semblaient s’être donné rendez-vous de toute la Vendée. Carrier trouvait naturel, dans l’intérêt de la santé publique, de purger la ville des uns et des autres. Il s’en tint à la menace ; il eût irrité les soldats.

La tradition nantaise a accumulé sur lui nombre de récits fantastiques. Au boulevard, on montre avec terreur la place d’une maison disparue, qu’on appelait « le repaire du crime ». S’il a fait tout ce qu’on raconte, il faut avouer que personne n’a jamais rempli à ce point le temps. Il est resté cent jours à Nantes, et, des cent, la moitié passa dans l’extrême péril, la crise absorbante qui ne lui laissa pas deux nuits de sommeil. Il tomba malade ensuite et fit tout ce qu’il fallait pour l’être de plus en plus. Il buvait, et sa maîtresse, la Caron, ne le quittait pas ; de plus, entouré de femmes ; d’intrépides dames de Nantes