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habillé. Inutile de dire qu’il fut ce qu’il devait être. Une heureuse occasion permit à la demoiselle de retourner chez ses parents. Il se trouva qu’elle était riche, de grande famille, et (c’est le plus étonnant) qu’elle avait de la mémoire. Elle fit dire à Goubin qu’elle voulait l’épouser : « Non, Mademoiselle ; je suis républicain ; les bleus doivent rester bleus ! »

Les historiens de l’Ouest raconteront cette cruelle histoire. Ils diront qu’un seul des généraux de la malheureuse armée, L’Augrenière, lui resta fidèle à son dernier jour. Il la conduisait encore quand elle périt à Savenay[1].

Comment dire la chasse horrible qui les rabattit sur Nantes ? En foule, ils venaient se livrer, attestant le décret qui sauvait ceux qui se rendaient. « Oui, ceux qui viennent d’eux-mêmes, disait-on ; mais vous venez traqués, cernés, ne pouvant plus échapper. » Nantes fut, à la lettre, submergée d’un déluge d’hommes. Procession épouvantable de cadavres vivants, de revenants, d’exhumés. Mille costumes étranges et bizarres. Des femmes demi-vêtues en hommes, des hommes ayant des jupes pour manteaux sur les épaules, jusqu’à des habits

  1. Ce qui accabla les Vendéens et acheva de les rendre incapables de résistance, c’est qu’ils croyaient que tous leurs chefs avaient été tués. Ceux-ci firent une chose politique sans doute en repassant la Loire pour recommencer la Vendée. Mais leur peuple ne voulut jamais imaginer qu’ils pussent l’abandonner ; il crut à leur chevalerie et se tint pour sûr de leur mort. Voir la très importante déposition de Fordonet de l’Augrenière, pièce manuscrite de huit pages in-folio. (Collection Dugast-Matifeux.)