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cause de nos malheurs. Sans les femmes, la République serait déjà établie, et nous serions chez nous tranquilles. »

Ce mot, d’un officier républicain que j’ai cité déjà ailleurs, fait comprendre pourquoi les femmes furent si maltraitées à la bataille du Mans. Pas une pourtant ne fut tuée avant l’arrivée des représentants Bourbotte et Turreau. Alors on en fusilla beaucoup devant leurs fenêtres, sans qu’ils l’ordonnassent ou le défendissent. Les deux régiments qui avaient décidé l’affaire se montrèrent pourtant plus humains. Les soldats, donnant le bras aux dames tremblantes, les tirèrent de la bagarre. On en cacha tant qu’on put dans les familles de la ville. Marceau, dans un cabriolet à lui, sauva une demoiselle qui avait perdu tous les siens. Elle se souciait peu de vivre et ne fît rien pour aider son libérateur ; elle fut jugée et périt. Quelques-unes épousèrent ceux qui les avait sauvés ; ces mariages tournèrent mal ; l’implacable amertume revenait bientôt.

Un jeune employé du Mans, nommé Goubin, trouve le soir de la bataille une pauvre demoiselle se cachant sous une porte et, ne sachant où aller. Lui-même, étranger à la ville, ne connaissant nulle maison sûre, il la retira chez lui. Cette infortunée, grelottant de froid ou de peur, il la mit dans son propre lit. Petit commis à six cents francs, il avait un cabinet, une chaise, un lit, rien de plus. Huit nuits de suite, il dormit sur sa chaise. Fatigué alors, devenant malade, il lui demanda, obtint de coucher près d’elle