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homme Marat. On le voyait communément portant d’une main une pique, de l’autre un petit tréteau, qu’il appuyait sur une borne ; si l’occasion semblait bonne, il sautait dessus, prêchait. Il aimait surtout à parler sur la terrasse des Feuillants, à la porte de l’Assemblée, dont le massacre était son texte le plus ordinaire. Les Jacobins jusque-là n’avaient jamais reçu Varlet qu’avec des huées. Une fois, le 7 novembre, il entre avec sa pique surmontée d’un bonnet rouge, obtient la parole et dit qu’il s’est constitué, dans sa tribune ambulante, le défenseur de Robespierre, l’accusateur de la Gironde, etc. La rougeur vint à plusieurs de l’audace du vaurien ; un seul pourtant osa parler pour qu’on le fît taire, un honnête homme, le boucher Legendre. Les autres prirent alors courage et chassèrent Varlet. Chose triste, un membre considérable de la Convention et de la Montagne, Bazire, prit sa défense, exigea qu’on l’entendît. Il rentra vainqueur, s’établit à la tribune, parla tout son soûl et fut applaudi.

Cette apparition choquante d’un farceur de carrefour, qui prêchait habituellement le massacre de l’Assemblée, était-elle un accident ? Cette affreuse lueur de sang, était-ce un éclair fortuit ? Point du tout. Deux jours avant (5 novembre), le parleur ordinaire de la société, celui qui si souvent tenait la tribune avec tant d’applaudissements, Collot d’Herbois déclara : « Notre credo est septembre[1]. »

  1. Selon le Journal des Amis de la constitution, qui pâlit et énerve tout, les propres paroles sont celles-ci : « Il ne faut pas se dissimuler que c’est là