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Est-ce qu’il ne pouvait donc pas, dans son âme malade, à travers le patriotisme qui lui en couvrait le fond, distinguer le mal terrible qui était en lui ? le mal qui le transforma en si peu d’années ? Je parle de cette exaspération de rivalité et de concurrence. Rien ne lui fut plus fatal que sa jalouse tristesse de n’avoir jamais paru aux grandes journées de la République, ni en juillet 1791, ni en août 1792. La presse girondine le lui rappelait sans cesse, et il en souffrait cruellement. Quelque bonne contenance qu’il fît, il sentait vivement la piqûre de ces guêpes envenimées. Il ne fallut pas moins pour le pousser à cet excès incroyable, de faire accuser Brissot comme auteur du massacre du Champ de Mars, de le proclamer assassin du peuple et le vouer aux poignards.

De là encore la facilité étrange avec laquelle, oubliant ses velléités d’équilibre, il donna la main aux furieux qu’il avait voulu arrêter, avant leur adresse insensée contre la Convention.

Les Jacobins descendaient. Une scène inattendue révéla jusqu’où ils pouvaient aller pour trouver des auxiliaires. Il y avait, au plus bas de l’échelle des aboyeurs, un garçon, nommé Varlet, qui avait à peine vingt ans, qu’on avait toujours vu partout où le sang avait coulé, poussant au sang et au meurtre. Marat, plus d’une fois, exprima son horreur pour le jeune tigre ; il voulait bien qu’on tuât, mais qu’on tuât politiquement, disait-il, à propos, comme en septembre. Varlet allait son chemin, riant du bon-