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Tout s’aigrit dans un vase aigre. Et, dans cette âme, née malheureuse, travaillée dès l’enfance par le malheur, par l’effort habituel, l’âpre sentiment de la concurrence, ce qui eût été pour un autre le bonheur eut un effet différent. Tout ce qu’il avait, en théorie, de prédilection pour le peuple, fortifié par le spectacle qu’il eut de cette excellente famille, semble l’avoir exalté dans la haine des ennemis du peuple ; l’amitié (l’amour peut-être ?), les sentiments les plus doux, profitèrent en lui à l’amertume. Il devint impitoyable, comme il ne l’avait jamais été jusque-là. Sa haine, de plus en plus aigrie, lui rendit nécessaire, désirable la mort de ses ennemis, de ceux de la Révolution ; pour lui, c’était même chose.

Dans ce nombre, il comprenait tous ceux qui n’étaient pas exactement sur la ligne qu’il avait marquée. Le juste milieu de la Montagne, qu’il croyait avoir trouvé, était un trait fin, précis, ligne infiniment étroite, comme le fil d’une lame acérée, qu’il ne fallait pas manquer ni à droite ni à gauche. Des deux côtés également, c’était la damnation.

La médiocrité d’or, qui était son idéal en politique, en fortune, en habitudes et en tout, était rappelée sans cesse dans ses paroles morales et sentimentales, sortes d’homélies qu’il mêlait aux diatribes ; elle l’était plus encore dans sa personne, sa tenue et son costume. La blancheur honnête et pure des bas, du gilet et de la cravate, surveillés sévèrement par Mme  et Mlles  Duplay ; la culotte de