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Telle maison, tels hôtes. Les nouveaux, comme les anciens, avaient pour idée fixe une étroite orthodoxie. Les vieux Jacobins, dans la robe serrée de Saint-Dominique, avaient eu la prétention de savoir marcher seuls sur la ligne précise de la foi catholique. Et les nouveaux Jacobins se piquaient d’avoir seuls le dépôt de la foi révolutionnaire. C’était une compagnie tout exclusive, concentrée en soi. Ils se connaissaient entre eux et ils ne connaissaient qu’eux ; tout ce qui n’était pas jacobin leur restait suspect ; ils se défiaient, quoi qu’on pût dire pour les rassurer, ils se détournaient, ils ne voulaient pas entendre, ils secouaient la tête d’un air d’incrédulité. Ils avaient leurs mots à eux, leurs saints et leurs dévotions, des formules qu’ils répétaient : « Les principes d’abord ! les principes !… » — « Surtout il faut des hommes purs », etc. Vous n’entendiez autre chose, lorsque, vers sept heures du soir, cette foule, à cheveux noirs et gras, en grosses houppelandes du temps, dans une pauvreté calculée, s’en allait dévotement au sermon de Robespierre.

La raideur de l’attitude, la fixité extérieure, leur furent d’autant plus nécessaires qu’en réalité leur credo fut très flottant. Quelques changements qu’opérât la situation, quelques déviations qu’elle imposât à leurs doctrines, ils affirmaient l’unité[1].

  1. Une question curieuse s’élève ici. Pourquoi les Jacobins faisaient-ils illusion sur leurs divisions intérieures, tandis que celles des Girondins apparaissaient si nettement au grand jour, d’une manière si compromettante ? — Une des réponses qu’on peut faire, c’est que les Girondins agissaient principalement par la presse, qui illumine toute chose, qui fixe impitoyablement