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On appellerait volontiers un tel lieu un piège à prendre des rois, la souricière aux tyrans.

La Convention savait parfaitement où elle allait. Mais tel était le respect de cet âge pour le peuple, telle sa confiance dans l’honnêteté de la foule, dans la religion de la loi, qu’on eût rougi de montrer une injurieuse défiance. Convenait-il au mandataire de soupçonner le Souverain, de prendre contre lui des mesures de défense ?… À lui seul de s’observer, à lui de réfléchir, de ne pas se perdre lui-même.

La Convention, aux Tuileries, y fut saluée coup sur coup par les mauvaises nouvelles : la prise de Thouars, emporté d’assaut par les Vendéens le 6 mai ; la mort de Dampierre, tué, le 9, à la tête de l’armée du Nord ; et le général en chef de l’armée de l’Est, Custine, offrait sa démission.

Pour comprendre où en était la France, il faut savoir qu’en avril la Convention envoya cinq cents vainqueurs de la Bastille, en mai, sa propre garde, deux cents grenadiers, — contre cent mille Vendéens !

Il n’y eut jamais de position comparable à celle du nouveau Comité public, infortuné pilote de ce vaisseau désespéré. Peu soutenu par les partis, ni girondin, ni jacobin, ce Comité avait reçu tous les pouvoirs, qui étaient alors autant d’impuissances. Sa ressource, devant l’Assemblée, était l’adresse et la langue de Barère, incomparable menteur pour atténuer les défaites, créer des armées possibles, prophétiser des victoires.