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des larmes. Je voulais qu’il fît des heureux. Je n’ai pas pensé que, semblables aux prêtres, aux inquisiteurs, qui ne parlent de leur Dieu de miséricorde qu’au milieu des bûchers, nous dussions parler de liberté au milieu des poignards et des bourreaux… La Convention, ce centre de ralliement où regardent sans cesse tous les citoyens, et peut-être avec effroi, j’aurais voulu qu’elle fût le centre des affections et des espérances ! On croit consommer la Révolution par la terreur, j’aurais voulu la consommer par l’amour… »

Ces admirables paroles, si loin de la situation, émurent toute l’Assemblée, l’emportèrent dans l’avenir, l’idéal et l’impossible.

C’était comme un chant du ciel parmi les cris discordants de ce misérable monde. Il n’y eut plus de séance, l’Assemblée se dispersa ; chacun s’en allait en silence, plein de rêve et de douleur.

La Convention, sous cette profonde impression, était de cœur à la Gironde. Celle-ci essaya sa force. Guadet lut une adresse incendiaire signée de Marat, demanda, obtint son arrestation (12 avril).

Acte grave, en plusieurs sens. L’adresse n’était point de Marat même ; il ne l’avait signée que comme président des Jacobins. C’était ce grand corps qu’on frappait, c’était son meneur, directeur, inspirateur ordinaire ; on allait droit à Robespierre à travers Marat.

L’adresse contenait une chose : La Convention trahit ; et une autre chose : Il faut exterminer les