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Dumouriez ne refusa pas positivement d’obéir. Il voulut gagner du temps. Il lui en fallait pour s’assurer de Condé, et, s’il pouvait, de Lille. Les envoyés insistèrent. Camus, qui portait le décret, ne s’étonna nullement de l’aspect sombre et sinistre, des murmures menaçants par lesquels les traîneurs de sabre espéraient l’intimider. Le vieux janséniste, qu’on croyait à la Convention peu républicain, se montra dans cette grave circonstance très digne de la République qu’il représentait. Dumouriez, énonçant un refus définitif : « Je vous suspends, lui dit Camus, je vous arrête et je vais mettre le scellé sur vos papiers. » Il y avait là Égalité, Valence, quelques officiers, et les demoiselles Fernig dans leur habit de hussard. « Qui sont ces gens-là ? dit l’intrépide vieillard, jetant un regard sévère sur l’équivoque assemblée ; donnez, vous autres, tous vos portefeuilles. »

« C’est trop fort, dit Dumouriez ; mettons fin à tant d’impudence. » Et il dit en allemand : « Arrêtez ces hommes. » Il ne se fiait plus aux Français, et il avait fait venir une trentaine de hussards qui n’entendaient que l’allemand.

Cette démarche donnait sans retour Dumouriez aux Autrichiens. Il était à leur merci. Il n’avait que des paroles, des mots de Mack, rien de plus ; il n’avait pas vu Cobourg. Mais, en eût-il été sûr, ce n’eût été rien encore. Cobourg dépendait du congrès de la coalition qui se tenait à Anvers, occupé là à démembrer la France sur le papier. Il y envoya