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ces antres obscurs, ces trous ténébreux, petits tripots, bouges, culs-de-sac, caves éclairées le jour par des lampes, le tout assaisonné de cette odeur fade de vieille maison, qui, à Versailles même, au milieu de toutes ses pompes, saisissait l’odorat dès le bas de l’escalier. La vieille duchesse de D… rentrant aux Tuileries en 1814, lorsqu’on la félicitait, qu’on lui montrait que le bon temps était tout à fait revenu : « Oui, dit-elle tristement, mais ce n’est pas là l’odeur de Versailles. »

Voilà le monde sale, infect, obscur, de jouissances honteuses, où s’était réfugiée une foule d’hommes, les uns contre-révolutionnaires, les autres désormais sans parti, dégoûtés, ennuyés, brisés par les événements, n’ayant plus ni cœur ni idée. Ceux-là étaient déterminés à se créer un alibi dans le jeu et dans les femmes, pendant tout ce temps d’orage. Ils s’enveloppaient là dedans, bien décidés à ne penser plus. Le peuple mourait de faim et l’armée de froid ; que leur importait ? Ennemis de la Révolution qui les appelait au sacrifice, ils avaient l’air de lui dire : « Nous sommes dans ta caverne ; tu peux nous manger un à un, moi demain, lui aujourd’hui… Pour cela, d’accord ; mais pour faire de nous des hommes, pour réveiller notre cœur, pour nous rendre généreux, sensibles aux souffrances infinies du monde… pour cela nous t’en défions. »

Nous avons plongé ici au plus bas de l’égoïsme, ouvert la sentine, regardé l’égout… Assez, détournons la tête.