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rent martyrs. On compte par centaines ceux qui se firent tailler en pièces. Je citerai entre autres un garçon de seize ans, qui, sur le corps de son père mort, cria : « Vive la nation ! » jusqu’à ce qu’il eût été percé de vingt baïonnettes. De ces martyrs, le plus célèbre est Sauveur, officier municipal de la Roche-Bernard, disons mieux, la Roche-Sauveur. Elle eût dû conserver ce nom.

Cette ville, qui est le passage entre Nantes et Vannes, fut attaquée le 16 par un rassemblement immense d’environ six mille paysans. Elle avait à peine quelques hommes armés ; il fallut se rendre, et les furieux, sous prétexte d’un fusil parti en l’air, égorgèrent tout d’abord vingt-deux personnes sur la place. Ils foncent dans la maison de ville et trouvent le procureur-syndic, Sauveur, magistrat intrépide, qui n’avait pas quitté son poste. On le saisit, on le traîne. Mis au cachot, il en est tiré le lendemain pour être barbarement massacré. Il essuya je ne sais combien de coups d’armes de toute espèce, surtout de coups de pistolet ; on tirait à petit plomb. On voulait lui faire crier : « Vive le roi ! » Il criait : « Vive la République ! » De fureur, on lui tirait des coups à poudre dans la bouche. On le traîna au calvaire pour faire amende honorable. Il leva les yeux au ciel, adora, mais en même temps cria : « Vive la nation ! » Alors on lui fit sauter l’œil gauche d’un coup de pistolet. On le poussa un peu plus loin. Mutilé, sanglant, il restait debout, les mains jointes, regardant le ciel. « Recommande ton âme ! » crient les