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entière pour levier, la raison pour point d’appui, et vous n’avez pas encore bouleversé le monde !… (Les applaudissements redoublent.) Il faut pour cela du caractère, et la vérité est qu’on en a manqué. Je mets de côté toutes les passions ; elles me sont toutes parfaitement étrangères, excepté celle du bien public. Dans des circonstances plus difficiles, quand l’ennemi était aux portes de Paris, j’ai dit à ceux qui gouvernaient alors : Vos discussions sont misérables ; je ne connais que l’ennemi, battons l’ennemi !… (Nouveaux applaudissements.) Vous qui me fatiguez de vos contestations particulières, au lieu de vous occuper du salut de la République, je vous répudie tous, comme traîtres à la patrie. Je vous mets tous sur la même ligne. »

À cette révélation complète de la pensée de Danton, il y eut un soulèvement général d’admiration et d’enthousiasme ; chacun s’oublia, s’éleva au-dessus de lui-même ; les partis semblaient disparus… Mais il connaissait trop bien l’esprit mobile des assemblées pour s’en tenir là ; il assura, appuya le coup, en enfonçant dans les âmes un aiguillon de terreur : « Je leur disais encore à tous : Eh ! que m’importe ma réputation ! que la France soit libre, et que mon nom soit flétri !… Que m’importe d’être appelé buveur de sang ? Eh bien, buvons le sang des ennemis de l’humanité, s’il le faut ; combattons, conquérons la liberté… »

Personne, à ce mot sauvage, ne douta que Danton ne fût en intelligence complète avec ceux qui vou-