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coup d’entre eux, sous divers déguisements, étaient rentrés ici, dans l’idée généreuse et folle de délivrer Louis XVI. Puis, voyant la chose impossible, ils se résignaient et profitaient de leur séjour pour toute autre chose ; ils se plongeaient avec une incroyable avidité dans les plaisirs de Paris. Les défenseurs du roi martyr, les chevaliers de la reine, faisaient leur campagne au Palais-Royal, entre le jeu et les filles. Les filles pensaient très bien ; elles étaient naïvement, courageusement royalistes, heureuses de cacher, d’aider de toutes manières les amis du roi. Ceux-ci, parfaitement en règle, bien munis de passeports qu’on achetait à bon compte, pourvus de cartes civiques qu’on escamotait pour eux dans les sections, se moquaient de la police ; au fond, elle n’existait pas. Les visites domiciliaires, annoncées d’avance, exécutées lentement et à grand bruit, étaient plus effrayantes aux imaginations que réellement à craindre. Les plus compromis allaient et venaient hardiment. Ils vivaient le plus souvent au centre même, autour du Palais-Royal ; ce quartier central était énormément peuplé, bien plus qu’aujourd’hui. Les quartiers lointains, le Faubourg-Saint-Germain, la Chaussée-d’Antin, étaient à peu près déserts. L’herbe poussait dans les cours des hôtels abandonnés et dans les rues même. En bien cherchant les maîtres de ces hôtels que l’on croyait à Coblentz, on les eût trouvés couchés dans le grenier d’une fille, dormant dans l’arrière-soupente d’un magasin de théâtre, ronflant sur la banquette d’un tripot.