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sources des Belges ? » — Du droit du sang qu’on venait de verser pour eux à Jemmapes, du droit de l’émancipation de l’Escaut, accomplie par nous au prix énorme, effroyable, de la guerre contre l’Angleterre. Cette cause fut la principale que Pitt assigna, et celle en réalité qui mit l’Angleterre contre nous ; elle ne put voir sans terreur la résurrection d’Anvers, le drapeau de la Révolution en face de Londres.

Non, quand la France entreprenait pour la Belgique et pour le monde la guerre qui lui a coûté, de 1793 à 1815, dix millions de ses enfants, les Belges, en vérité, devant cette terrible effusion de sang français, auraient eu mauvaise grâce de calculer l’effusion d’un peu d’argent belge. Il fallait accepter d’un grand cœur ce mariage, faire au dernier vivant avec la France, et, les yeux fermés, se lancer dans cette carrière de sacrifices dont le but inestimable était la conquête des libertés humaines. Cela était assez beau pour ne pas tant marchander. Liège le sentit, quand, sur dix mille votants, dix mille (moins quarante) demandèrent la réunion à la France. Et dans le pays liégeois, où les votants étaient vingt mille, il n’y eut que quatre-vingt-douze voix contre la réunion.

L’âme de la Belgique et son vrai génie, tout autant que de la France, fut dans l’âme de Danton, lorsque, par deux fois, le 22 janvier, le 1er février, il demanda à la Convention la réunion des deux peuples. Il n’exprimait pas seulement le vœu des Liégeois et de la Belgique française, mais tout autant