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raissent que pour ajouter aux tortures du cœur. Vastes et souterraines prisons, pleines de supplices et de trophées, labyrinthes infernaux où l’on peut errer toujours sans se retrouver jamais, escaliers sans fin qui donnent l’espoir de monter au jour, qu’on monte et qu’on monte en vain, sans pouvoir arriver à rien qu’à l’épuisement du désespoir… Hélas ! ces sublimes images de la douleur italienne ont cela d’infidèle encore qu’elles sont grandes et poétiques. Mais le plus dur du supplice, que Piranesi n’a pu peindre, c’est l’abjection du supplice, son prosaïsme et sa bassesse, l’atonie croissante de l’âme, la décomposition fangeuse qu’elle subit, dont elle s’indigne, sans pouvoir y résister, enfoncée invinciblement dans le lac de boue par la pesanteur dont l’écrase la perfide main des tyrans[1].

Il était temps que ces cachots reçussent enfin quelque lumière, que la France républicaine vînt les éclairer de sa foudre.

Son plus cruel ennemi n’était pas Londres, c’était Rome. De Rome lui venait le souffle de mort, le souffle de la Vendée. L’Anglais frappait du dehors. Le prêtre dissolvait le dedans.

Le gouvernement romain n’eût pas eu pourtant

  1. Entre autres preuves malheureusement trop certaines de ceci, voir la terrible enquête de l’évêque Ricci sur les mœurs des couvents de Toscane (dans Potter, Vie de Ricci, et dans Lasteyrie, Histoire de la Confession). Mais ce que Ricci n’a pas osé éclaircir, c’est le remède atroce du libertinage monastique : l’universalité de l’infanticide. La chose a éclaté à Naples. Tel couvent de femmes recélait, dans l’épaisseur des murailles, une galerie sépulcrale, comble d’enfants morts. La puissance siccative du climat, qui momifie les cadavres, annulait l’odeur et favorisait le crime d’une fatale discrétion.