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scandaleuse Emma, avec un cynisme incroyable. Cette fille, d’une beauté puissante et quasi virile, accomplie, sauf un précoce excès d’embonpoint, était originairement une fraîche et forte servante du pays de Galles. Montée au rang supérieur de femme de chambre, puis maîtresse entretenue, puis tombée dans le ruisseau au métier de fille publique, elle avait été pêchée là par un neveu d’Hamilton, l’ambassadeur de Naples, qui l’avait pour quelque argent cédée à son oncle. La friponne se fît épouser. La voilà grande dame, ambassadrice ; elle représente très bien ; sa grandiose et théâtrale beauté est recherchée de tous les peintres ; ses beaux bras puissants, son cou de Junon, sa forte tête avec une mer ondoyante de cheveux châtains, remplissent tous les tableaux du temps. C’est Vénus, c’est la bacchante, c’est la sibylle de Cumes. Cette sibylle, débarquée à Naples, paraît dans son propre élément. Elle brille, elle règne, elle trône, chaque jour, dans un nouveau costume, dans une pantomime nouvelle ; elle invente la danse du châle. La reine en raffole, ne la quitte plus. Pendant que les deux maris, usés, inutiles, suivent leurs goûts innocents, que Ferdinand pêche à Baïa, qu’Hamilton s’amuse au Vésuve, les deux femmes vivent ensemble. La reine se montre partout avec Emma, change d’habits avec elle, la couche chez elle. Elle nullement embarrassée. Elle commande, elle exige, parle plus haut que la reine. L’impudente se fait rendre par les duchesses et princesses les humiliants services, qu’une étiquette