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Tous, amis et ennemis, croyaient que ce génie profond avait deviné tout le cours de la Révolution française. Selon plusieurs, il l’avait faite. Il l’observa de très prés, mais, pour une part directe, il semble n’en avoir eu qu’en une circonstance, il est vrai, très grave : on croit qu’il soudoya l’émeute de la garde soldée, qui faisait la force de La Fayette, brisa l’épée de l’homme qui voulait concilier la royauté et la démocratie, désarma la royauté de sa faible et dernière défense. Si la chose est véritable, M. Pitt peut passer pour un des fondateurs de cette République française qui lui donna tant de soucis et le fit mourir à la peine.

Je ne vois pas non plus qu’il ait eu grande prévoyance en refusant l’alliance prussienne au commencement de 1792. Il lui fallut la mendier à la fin de la même année.

Ce qui fut véritablement prodigieux chez M. Pitt, c’est l’acharnement au travail, la persévérance et la passion. Il fut, dès sa naissance, l’idéal du bon sujet. Tomline, son précepteur, évêque de Winchester, qui a écrit la légende de ce nouveau saint, ne peut découvrir, à la loupe, le moindre défaut dans son caractère. En réalité, il n’en eut qu’un seul : il était né enragé, je veux dire, dès le berceau, malade d’une violence innée, une triste créature amère, âpre, acharnée à tout, à l’étude d’abord, aussi violent dans l’étude du grec qu’il l’a été plus tard dans la guerre contre la France. Nulle société, nulle amitié, d’amour encore moins. Une perfection