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Ce qui caractérise le temps, c’est que, dans l’impatience de leurs vœux, ils imaginaient que l’unité allait leur venir toute faite, leur tomber, comme un miracle, du haut de la loi… Dans leur foi naïve à la toute-puissance de la loi, à son efficacité invincible, ils croyaient que l’unité, pourvu qu’elle fût décrétée, à coup sûr existerait ; ils ne semblaient pas se rendre bien compte des moyens indispensables qui doivent la préparer. L’unité, pendant que la loi la décrète en haut, doit fleurir d’en bas, du fond des volontés humaines ; elle est la fleur et le fruit des croyances nationales.

Modifier ces croyances, c’est une œuvre de temps sans doute, et l’on ne peut accuser le législateur qui n’accomplit pas instantanément le travail des siècles ; mais rien ne peut le dispenser de bien savoir le vrai fonds où il travaille, de comprendre son propre principe. Et voilà ce qui afflige, à cette grande époque. Ni l’un ni l’autre parti ne connaissait bien la base, la portée religieuse et sociale de l’œuvre qu’ils accomplissaient. Le rapport de la Révolution au christianisme leur fut parfaitement inconnu. Ils ignoraient qu’ils avaient pour mission non ce vœu stérile d’unité que déjà le christianisme a tant répété en vain, mais la recherche sérieuse des moyens qui peuvent vraiment réaliser l’unité. Le christianisme a échoué dans cette recherche ; sous sa domination absolue, la plus forte qui fut jamais, nous n’en avons pas moins vu se former deux peuples en un peuple, — le petit peuple d’en haut, qui seul a suivi la voie