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son confesseur, deux gendarmes sur le devant. Il lisait les Psaumes.

Il y avait peu de monde dans les rues. Les boutiques n’étaient qu’entr’ouvertes. Personne ne paraissait aux portes ni aux fenêtres.

Il était dix heures dix minutes lorsqu’il arriva dans la place. Sous les colonnes de la Marine étaient les commissaires de la Commune, pour dresser procès-verbal de l’exécution. Autour de l’échafaud, on avait réservé une grande place vide, bordée de canons ; au delà, tant que la vue pouvait s’étendre, on voyait des troupes. Les spectateurs, par conséquent, étaient extrêmement éloignés. Le roi recommanda vivement son confesseur, et d’un ton de maître. Il descendit, se déshabilla lui-même, ôta sa cravate. Selon une relation, il aurait paru vivement contrarié de ne voir que des soldats, eût frappé du pied, crié aux tambours d’une voix terrible : « Taisez-vous ! » Puis, le roulement continuant : « Je suis perdu ! je suis perdu ! »

Les bourreaux voulaient lui lier les mains, et il résistait. Ils avaient l’air d’appeler et de réclamer la force. Le roi regardait son confesseur et lui demandait conseil. Celui-ci restait muet d’horreur et de douleur. Enfin il fit l’effort de dire : « Sire, ce dernier outrage est encore un trait de ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense. » Il leva les yeux au ciel, ne résista plus : « Faites ce que vous voudrez, dit-il, je boirai le calice jusqu’à la lie. »