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défauts naturels. On parlait de je ne sais quels retranchements sur l’ordinaire de sa table ; il dit, loin de s’irriter : « Mais le pain suffit… » Ce qui est bien plus, ce qui indique un grand effort, selon l’esprit chrétien, c’est qu’averti qu’il n’avait qu’à redemander ses enfants à la Convention et qu’elle les lui rendrait, il dit : « Attendons quelques jours… Bientôt ils ne me les refuseront plus. » Il voyait sa mort prochaine, et jusque-là, apparemment, se refusait ce bonheur par esprit de mortification.

L’épuration fut-elle cependant complète en cette âme ? Il y aurait lieu de s’en étonner, d’après le caractère étroit de sa dévotion. On voit par le récit de son confesseur, par les protestations qu’il adressa à l’archevêque de Paris, comme d’une ouaille à son pasteur, on voit qu’il resta un dévot de paroisse, plus qu’un croyant dans la Cité universelle de la Providence. Le caractère d’une telle dévotion, c’est de purger l’âme, moins le défaut essentiel, moins le vice favori. Louis XVI n’eut qu’un vice, qui était la royauté même ; je parle de la conviction qu’il avait de la légitimité du pouvoir absolu, et, par suite, de celle des moyens de force ou de ruse qui peuvent maintenir ce pouvoir. C’est ce qui explique comment il ne se reproche, à la mort, aucun de ses mensonges avoués et constatés. Dans son testament, tout en recommandant à son fils de régner selon les lois, il ajoute : Qu’un roi ne peut faire le bien qu’autant qu’il a l’autorité, qu’autant qu’il n’est point lié. S’il règne, selon les lois, sans être lié, c’est qu’il