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les cris de la Montagne, qui resta jusqu’à minuit, tellement furieuse et délirante, qu’un membre proposa le massacre des représentants royalistes ou brissotins. Lacroix, appelé au fauteuil, leur fit honte de cet accès d’hydrophobie. Legendre leur persuada de ne pas inquiéter Paris, de quitter enfin la place.

Rien de plus incohérent que la discussion du 19. La Gironde, comme en déroute, ne fit guère que battre la campagne. Buzot et Barbaroux renouvelèrent leurs attaques contre Orléans, attaques absurdes, intempestives, au point où l’on était venu. Condorcet énuméra les bonnes lois qu’il fallait faire, pour prouver aux nations que ce jugement sévère n’était point un acte d’inhumanité. Brissot parla seul d’une manière spécieuse. Il montra l’état de l’Europe et dit qu’en précipitant l’exécution, on popularisait la coalition des tyrans contre la France, on ferait les peuples alliés des rois.

Un spectacle surprenant, dans une Assemblée si émue, ce fut de voir à la tribune la glaciale et muette figure de Thomas Payne, dont on lut la judicieuse opinion. Il regrettait de n’avoir pu encore parler, voulant proposer la peine même qu’eût votée la nation : réclusion, et, à la paix, bannissement. Il demandait si la France voulait perdre son seul allié, les États-Unis, liés par la reconnaissance à Louis XVI. Il déclarait qu’on allait donner au roi d’Angleterre la plus douce satisfaction qu’il pût désirer, en le vengeant du libérateur de l’Amérique. Il ajoutait avec un bon sens admirable : « Ayez pour