Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vraiment politique ; on ne pouvait prolonger cette situation brûlante, on sentait le feu sous les pieds.

La longue séance fut levée à onze heures du soir. Une illumination générale fut ordonnée dans l’intérêt de la sûreté publique. Nulle chose plus sinistre. Partout les lumières aux fenêtres, pour éclairer les rues désertes ; un faux effet de fête qui serrait le cœur. Toute la nuit, les colporteurs couraient et criaient : « La mort ! »

Le 18, question du sursis, question infiniment grave. Le sursis pouvait devenir un moyen d’éluder le vote, donner temps aux royalistes, ouvrir la porte à la guerre civile. La mort d’un seul ajournée pouvait amener mille morts.

La Montagne parla en ce sens, mais très maladroitement. Reprenant le mot que Robespierre avait fait entendre (aux dépens de l’humanité), les voilà tous qui répètent le même mot en différents sens : « Point de sursis, dit Tallien, l’humanité l’exige ; il faut abréger ses angoisses… Il est barbare de le laisser dans l’attente de son sort… » — « Point de sursis, dit Couthon ; au nom de l’humanité, le jugement doit s’exécuter, comme tout autre, dans les vingt-quatre heures… » — Robespierre répéta, je ne sais combien de fois ce mot d’humanité… — La Convention perdait patience. La Révellière-Lepeaux, Daunou, Cambon, exprimèrent courageusement leur indignation sur cette douceur exécrable, qui ressemblait tant à l’hypocrisie.

La séance fut levée à dix heures et demie, malgré