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lité, la tergiversation dans les plus illustres[1]… Vous avez vu cette infamie, vous, intéressé à la voir ; mais personne ne l’a vue !

Le fond de l’histoire est ceci : Vergniaud croyait le roi coupable, coupable de lèse-nation et d’appel à l’étranger, crime à coup sûr digne de mort. Et néanmoins il y avait des circonstances atténuantes dont le Souverain pouvait tenir compte ; le peuple pouvait faire grâce. Vergniaud le désira sans nul doute, et c’est pour cela qu’il soutint l’appel au peuple. L’appel n’étant pas admis, il vota la mort, comme les autres députés de Bordeaux, comme Ducos et Fonfrède, ajoutant, admettant la possibilité d’un sursis. Il n’y a dans tout cela ni faiblesse ni contradiction.

Supposons même que Vergniaud eût redouté la

  1. Nous devons ce récit des prétendues variations de Vergniaud à l’homme qui, entre tous, a le plus varié dans la Convention, au même moment. En deux jours, M. Harmand (de la Meuse) vota en trois sens : 1o avec la gauche, contre l’appel au peuple ; 2o avec la droite, pour le bannissement ; 3o avec la gauche, contre le sursis. — Bonapartiste zélé, puis royaliste fanatique en 1814, il publia alors une brochure historique pour anti-dater son zèle et faire croire qu’il était dès longtemps royaliste. Il la réimprima augmentée, aggravée, en 1821, et c’est alors enfin qu’il se souvint de la lâcheté de Vergniaud. On lui sut gré de flétrir les fondateurs de la République. Il fut nommé préfet. — Voilà la source respectable où M. de Lamartine a puisé ce fait. Que mon illustre ami me permette de lui exprimer ici ma vive douleur. Son livre m’a rendu souvent presque malade : « C’est une improvisation, dit-il, un livre sans conséquence… » Il se trompe ; toute erreur de M. de Lamartine est immortelle. — À jamais l’on répétera ses cruelles paroles sur Target, qui pourtant défendit le roi (par écrit) ; on citera la punition de Target, sa mort sous la Terreur, et il a travaillé au Code civil, il est mort dans son lit sous l’Empire, en 1806. — Rien ne m’a plus affligé que de voir une si noble main relever, employer tel libelle royaliste qui n’eût dû être touché que de la main du bourreau. De là ce travestissement des plus glorieuses journées de la Révolution, le 10 août d’après Peltier !… Encore, s’il eût cité ses sources, on eût