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Un Montagnard me disait, il n’y a pas dix ans encore : « Hélas ! quel malentendu ! »

Quels pleurs de sang ont dû sortir du cœur des vrais républicains, quand, dans ces Mémoires de Louvet, écrits à travers le Jura et de caverne en caverne, ils n’ont trouvé nul sentiment, chez un prétendu royaliste, que l’amour obstiné, indomptable, de la République, la haine du fédéralisme et la religion de l’unité !

Pour moi, je ne puis, encore aujourd’hui, rappeler ici, sans un extrême serrement de cœur, l’impression que j’eus le 30 septembre 1849, lorsque, fouillant l’Armoire de fer, parmi une foule de papiers insignifiants, je tombai sur deux chiffons rouges qui n’étaient pas moins que la dernière pensée de Pétion et de Buzot, et leur testament de mort. Le rouge n’est point du sang. Ces infortunés, on le voit, portaient un gilet écarlate, comme on les avait alors, et leurs corps restant abandonnés à la pluie et à la rosée des nuits, le papier s’est empreint de cette couleur. Aux coins, il est en lambeaux, mais le milieu reste. Pétion, dans une lettre à sa femme, la rassure, non sur sa vie, mais sur sa bonne conscience, lui affirme « que son caractère ne s’est jamais démenti ». Buzot, dans une apologie d’une écriture nette et ferme, proteste, « au moment de terminer ses jours », contre les imputations dont on a souillé l’honneur de son parti, contre ce grief impie d’avoir songé à démembrer la France. L’adoration de la patrie est ici à chaque ligne.