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une question de forme, accessoire, extérieure. Robespierre disait encore à cette époque : « Je ne suis ni républicain ni monarchiste. »

La Gironde eut deux grands courages, elle donna deux fois sa vie aux idées. Fille de la philosophie du dix-huitième siècle, elle en porta la logique aux bancs de la Convention. Un principe lui fît renverser la royauté, et le même principe lui fit épargner le roi.

Ce principe ne fut autre que le dogme national de la souveraineté du peuple. Ils venaient de l’appliquer, l’avaient écrit sur l’autel du Champ de Mars, en 1791, et ils l’écrivirent encore, au 10 août, sur les murs des Tuileries, par les balles et les boulets de la légion marseillaise amenée par eux. Ils y restèrent fidèles au procès du roi, soutinrent (à tort ou à droit) qu’ils ne pouvaient commencer leur carrière républicaine en violant le dogme qu’ils avaient proclamé la veille, en se faisant souverains contre la volonté du peuple.

La Montagne soutint ouvertement le droit de la minorité ; elle prétendit sauver le peuple, sans respect pour sa souveraineté. Sincère, patriote, héroïque, elle entrait ainsi néanmoins dans une voie dangereuse. Si la majorité n’est rien, si le meilleur doit prévaloir, quelque peu nombreux qu’il soit, ce meilleur peut être minime en nombre, dix hommes, comme les Dix de Venise, un seul même, un pape, un roi. La Montagne ne frappait le roi qu’en attestant le principe que la royauté atteste,