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l’illustre chimiste de la République. Ce n’était pas un barbare, le modeste Lakanal, qui eut une si grande part aux plus belles créations révolutionnaires, le Muséum, l’École normale, l’Institut, la nouvelle organisation de l’enseignement[1]. Cambon n’était pas un barbare ; la violence de sa révolution financière fut le fait du temps, non le sien. Ne jugeons pas la Montagne par les fureurs déclamatoires de ses orateurs ordinaires, qui tant de fois ont si mal traduit sa pensée. Jugeons-en par le caractère des grands citoyens qui, moins bruyants, plus utiles, siégeaient aussi à la gauche ; jugeons-en par ces travailleurs énergiques, qui, en présence des plus grands dangers, organisèrent la République au dedans, la défendirent au dehors dans leurs missions, au premier front des premières lignes, couvrant des armées entières de leur poitrine héroïque et de leur ceinture tricolore, que les boulets respectaient[2].

D’autre part, tous les monuments historiques sérieusement examinés, je ne vois pas la moindre

  1. Voir sa brochure Sur ses travaux pendant la Révolution, et les notices de MM. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, Lélut et Mignet. Lakanal avait fait un ouvrage important Sur les États-Unis, dans un point de vue opposé à celui de M. de Tocqueville, comme il me l’expliquait lui-même.
  2. C’est à moi de les adopter, de les défendre, ces hommes tellement attaqués. Je me sens leur parent, si les leurs les ont oubliés. Leurs familles montrent peu d’empressement à accomplir leurs volontés, à donner au public leurs souvenirs, leurs justifications. Plusieurs ont écrit, et l’on n’a presque rien publié. — Qu’ils sachent bien pourtant, ceux qui gardent leurs écrits sous la clé, qui se sont constitués geôliers de leur pensée, qu’elle n’appartient à nul qu’à la France ; la France est, avant tous, la fille et l’héritière… On restera responsable envers elle de ces dépôts précieux.